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Expand Up @@ -22,7 +22,7 @@ Chez QUILLAU l'aîné, Libraire, rue Christine ; et chez les Marchands de Nouvea
J'ai l'honneur d'être Musicien, et de plus, Somnambule. Cette dernière qualité me rapporte beaucoup plus que la première. Un Docteur *magnétisant*[^2] par toute la France a trouvé plaisant de me voir exécuter, en dormant, des morceaux de musique assez difficiles. Il a jugé que je pourrai, avec mon instrument, amuser ses malades dans leurs crises, et l'aider à plonger dans le somnambulisme ceux qu'il prétendait guérir par cette nouvelle méthode. Nous avons parlé ensemble du Salon de Peinture qui attire aujourd'hui la foule des curieux. Mon Esculape[^3] m'a juré que plusieurs des morceaux qu'on y voyait <sup><sub>[4;602]</sub></sup> étaient doués d'une vertu *magnétique* : ce sont apparemment ceux qui fixent le plus les regards du Public. Il m'a proposé de visiter avec lui ce Salon, et d'écrire le jugement que j'en porterais.
« La Peinture, m'a-t-il dit, n'est pas pour vous une matière étrangère; il règne entre tous les Beaux-Arts une analogie manifeste; et un Musicien peut juger, mieux qu'un Peintre, les Ouvrages des Apelles[^4], parce qu'il n'est pas dans le cas de les voir avec rivalité et partialité, et qu'il n'a pas les préjugés de l'état. Si M. Gluck[^5] a dit qu'il voulait oublier qu'il était Musicien, pour être entièrement Peintre, vous pouvez vous immiscer dans l'art des Zeuxis[^6] et des Praxitèles[^7]. Feu M. le Prince[^8], habile paysagiste, se trouvant au pouvoir des Corsaires, les enchanta, comme un autre Orphée[^9], avec son violon[^10] ; vous en ferez autant avec le vôtre. Vous commencerez par amener vos Auditeurs à ce doux bâillement, précurseur du sommeil, et vous finirez par les endormir tout à fait avec votre plume ».

D'après des raisonnements si flatteurs, je me suis déterminé à écrire mon jugement sur les Peintures et Sculptures <sup><sub>[5;603]</sub></sup> du Salon, d'autant plus volontiers que j'ai été aussi chargé de cette commission par la Société des *Enfants de l'harmonie*[^11]. Je laisse aux Peintres à juger de la distribution plus ou moins heureuse des lumières, de la justesse des contours, du groupement et balancement des figures, des tons plus ou moins argentins , et je m'attacherai uniquement à l'esprit des choses; car il faut aussi que quelqu'un se charge de cette partie essentielle. J'examinerai enfin ce qu' un Artiste n'examinerait peut-être pas. Par exemple, en observant [la statue](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44042) de Blaise Pascal[^12], méditant avec une attention bien caractérisée, je remarquerai que ce pieux Philosophe, mort à 33 ans, est représenté trop âgé par M. Pajou[^13] : il y a même une singulière méprise. Ce grand Géomètre a fait des expériences sur la pesanteur de l'air -au haut d'une montagne nommée le Puy du Dôme. Le Sculpteur a gravé sur un tableau un puits avec un tiphon. Il paraît clair qu'il a pris une montagne pour un puits. Voilà une de ces observations qui peuvent échapper aux critiques Artistes, et que je relèverai en glanant après eux. (J'ai vu avec plaisir , hors du Salon, [la Psyché abandonnée](https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010092504) du même Aut-<sup><sub>[6;604]</sub></sup> eur.) Le [Maréchal de Vauban](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44049), par M. Bridan[^14], est principalement caractérisé par son nom qui est au bas ; mais sans être mauvais, ni même médiocre, il n'attire pas fortement l'attention publique. [Jean La Fontaine](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44069), par M. Julien[^15], est plongé dans une douce méditation. Ces figures sont exécutées en marbre. Les quatre nouvelles commandées pour cette année sont soumises au jugement public, seulement en plâtre. Le Grand Condé jetant son bâton de commandement dans la mêlée des ennemis, par M. Rolland[^16], attire les regards; mais j'ai vu le même sujet traité plus heureusement, ce me semble, par M. Dardel[^17]. Le héros avançait tout le corps pour se précipiter à la suite de son bâton; celui de M. Rolland, au contraire, paraît se contenter d'y précipiter les autres ; et n'est pas d'ailleurs assez noble, du moins à mes yeux. Abraham Duquesne, par M. Monot[^18], est assez bien posé ; il a même l'air d'un brave homme; mais il est peu imposant. Racine, représenté par M. Boizot[^19] dans le moment de la composition, n'a pas, ce me semble, un enthousiasme bien spirituel. Mathieu Molé, Premier Président, Garde des Sceaux, par M Gois[^20], <sup><sub>[7;605]</sub></sup> a une figure vraiment vénérable, qui rappelle celle du Chancelier de l'Hôpital, par le même Auteur. Le bon Philopœmen avalant la ciguë, par M. de Joux[^21] , est nu et bien maigre ; un prisonnier, à qui l'on donne la mort, peut bien être dans cet état qui sollicite la commisération. Mais M. Pigal[^22] eut tort, quand il représenta autrefois Voltaire en Apollon, aussi décharné ; ce n'était pas là la figure d'un Dieu jouissant d'une jeunesse immortelle. Ces statues ornent la cour qui conduit au Salon.
D'après des raisonnements si flatteurs, je me suis déterminé à écrire mon jugement sur les Peintures et Sculptures <sup><sub>[5;603]</sub></sup> du Salon, d'autant plus volontiers que j'ai été aussi chargé de cette commission par la Société des *Enfants de l'harmonie*[^11]. Je laisse aux Peintres à juger de la distribution plus ou moins heureuse des lumières, de la justesse des contours, du groupement et balancement des figures, des tons plus ou moins argentins , et je m'attacherai uniquement à l'esprit des choses; car il faut aussi que quelqu'un se charge de cette partie essentielle. J'examinerai enfin ce qu' un Artiste n'examinerait peut-être pas. Par exemple, en observant [la statue](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44042) de Blaise Pascal[^12], méditant avec une attention bien caractérisée, je remarquerai que ce pieux Philosophe, mort à 33 ans, est représenté trop âgé par M. Pajou[^13] : il y a même une singulière méprise. Ce grand Géomètre a fait des expériences sur la pesanteur de l'air -au haut d'une montagne nommée le Puy du Dôme. Le Sculpteur a gravé sur un tableau un puits avec un tiphon. Il paraît clair qu'il a pris une montagne pour un puits. Voilà une de ces observations qui peuvent échapper aux critiques Artistes, et que je relèverai en glanant après eux. (J'ai vu avec plaisir , hors du Salon, [la Psyché abandonnée](https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010092504) du même Aut-<sup><sub>[6;604]</sub></sup> eur.) Le [Maréchal de Vauban](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44049), par M. Bridan[^14], est principalement caractérisé par son nom qui est au bas ; mais sans être mauvais, ni même médiocre, il n'attire pas fortement l'attention publique. [Jean La Fontaine](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44069), par M. Julien[^15], est plongé dans une douce méditation. Ces figures sont exécutées en marbre. Les quatre nouvelles commandées pour cette année sont soumises au jugement public, seulement en plâtre. [Le Grand Condé](https://photo.rmn.fr/CS.aspx?VP3=SearchResult&IID=2C6NU0A92O6_W&LANGSWI=1&LANG=English) jetant son bâton de commandement dans la mêlée des ennemis, par M. Rolland[^16], attire les regards; mais j'ai vu le même sujet traité plus heureusement, ce me semble, par M. Dardel[^17]. Le héros avançait tout le corps pour se précipiter à la suite de son bâton; celui de M. Rolland, au contraire, paraît se contenter d'y précipiter les autres ; et n'est pas d'ailleurs assez noble, du moins à mes yeux. [Abraham Duquesne](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44084), par M. Monot[^18], est assez bien posé ; il a même l'air d'un brave homme; mais il est peu imposant. [Racine](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44080), représenté par M. Boizot[^19] dans le moment de la composition, n'a pas, ce me semble, un enthousiasme bien spirituel. [Mathieu Molé](https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010115141), Premier Président, Garde des Sceaux, par M Gois[^20], <sup><sub>[7;605]</sub></sup> a une figure vraiment vénérable, qui rappelle celle du [Chancelier de l'Hôpital](https://photo.rmn.fr/archive/21-546395-2C6NU0A5PKWRO.html), par le même Auteur. [Le bon Philopœmen avalant la ciguë](https://salons.musee-orsay.fr/index/notice/44082), par M. de Joux[^21] , est nu et bien maigre ; un prisonnier, à qui l'on donne la mort, peut bien être dans cet état qui sollicite la commisération. Mais M. Pigal[^22] eut tort, quand il représenta autrefois Voltaire en Apollon, aussi décharné ; ce n'était pas là la figure d'un Dieu jouissant d'une jeunesse immortelle. Ces statues ornent la cour qui conduit au Salon.

Monté dans ce Lycée, je reconnus d'abord que tous ces tableaux, les uns bons, les autres mauvais ou passables, les uns coloriés, les autres enluminés, loin d'offrir aux yeux une douce harmonie, formaient entre eux une cacophonie augmentée par l'affluence bruyante des spectateurs. Plusieurs morceaux inférieurs, au milieu des bonnes choses, détonnaient et faisaient des dissonances désagréables. On ne consulte point d'ailleurs, pour placer ces tableaux, le côté d'où ils prennent leur lumière. Il y a des places de faveur; mais il y en a aussi de très-défavorables. Et en général les hauts de la salle éloi- <sup><sub>[8;605]</sub></sup> gnent trop les objets ; il faudrait une galerie, et non pas un Salon.
L'histoire ne se présente point encore avec tout l'avantage possible. Je me permettrai, à cette occasion, de critiquer un peu le choix des sujets. Je désirerais beaucoup qu'on en puisât dans nos annales ; mais au moins faudrait-il choisir des faits intéressants, pour les consacrer à la mémoire par des tableaux ou des statues. Les vertus et les exploits de nos grands Hommes nous fourniraient une ample matière : mais qu'y a-t-il d'intéressant pour nous dans la fable qui représente le petit Hercule étouffant des serpents dans son berceau par M. Taraval ? Je trouve quelques beaux détails dans le tableau de M. de la Grenée l'aîné, intitulé la mort de la femme de Darius ; mais que nous importe cette femme ? Chapelle, dans un délire bacchique, fit pleurer deux ou trois personnes, et pleura lui-même sur la mort de Pindare. Le Peintre veut-il nous arracher des larmes aussi comiques ? N'aurait-il pas plus attaché, s'il nous avait offert, par exemple, la mort de cette Madame Henriette d'Angleterre, qui subjugua La tendre inclination qu'elle <sup><sub>[9,607]</sub></sup> éprouvait peut-être pour Louis XIV ? N'eût-on pas vu avec plus d'intérêt le visage de cette Princesse touchante, exprimant l'impression des plus cruelles douleurs, surmontées par sa douceur et sa sérénité, fixant ses tendres regards sur Louis le Grand, déchiré de ses souffrances ? et ne se serait-on pas alors rappelé ces paroles de Bossuet. « Nuit terrible, nuit désastreuse, où retentit tout à coup, comme un coup de tonnerre, cette nouvelle affreuse, Madame se meurt, Madame est morte “ ! Je trouve, dans le tableau de M. de la Grenée, tous les visages presque du ton de la morte. Est-ce pour leur donner l'air d'un deuil de Cour ? Alexandre semble relever de maladie : son ami Ephestion paraît aussi blême que lui.
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