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2020-02-18
Émilien Ruiz, CRIHN, histoire

Émilien Ruiz, Ce que le numérique fait à l’histoire, 18 février 2020

Réflexions à partir d’une enquête sur l’histoire populaire en France.

Manière dont à partir d’une enquête qui ne se voulait pas numérique au départ, amené à travailler avec le numérique et comment l’exploitation de ces résultats m’a conduit à employer des outils numériques qui ont posé des questions nouvelles.

Contexte de l’enquête, principaux résultats, dimensions numériques.

Pourquoi travailler sur l’histoire populaire alors que spécialiste de l’histoire de la quantification et de l’action publique. Travail avec la revue Le Mouvement Social, intéressé au développement d’une écriture populaire de l’histoire. Depuis quelques années, on assiste à l’usage par les historiens de moyens numériques pour diffuser leurs travaux de recherche. Pas nouveau, mais en revanche constate que le rapport à l’histoire publique commence à changer. Historiens producteurs, metteurs en scène, auteur de scénario de BD. Dans les discussions que l’on a eu avec les auteurs a émergé l’exemple de l’histoire populaire de la France. Numéro en cours en 2018 au moment où Histoire populaire de la France de Noiriel venait de paraître et qui connut un véritable succès d’édition. Seconde édition alors que l’histoire populaire d’Howard Zinn qui l’inspirait avait mis des années à être traduit en 2002. Dans l’intervalle nombre d’ouvrages parus titrant sur l’histoire populaire. Au total ce n’est pas moins de 25 ouvrages parus en Français entre 2002 et 2008, soit des ouvrages traduits soit directement publiés en français.Savoir si cet engouement signalait une nouvelle vogue éditoriale ou bien correspondait à un phénomène strictement éditorial et commercial.

Les résultats de l’enquête montrent que ces développements correspondent véritablement à des évolutions dans l’historiographie française. Deux moments fondateurs 19e siècle, et 70s où deux histoires populaires émergent en France, savoir si les développements récents se relient à ces travaux.

Au 19e siècle une histoire pour le peuple, une entreprise de vulgarisation avec une orientation politique. Histoire qui parle des grands hommes, grands dirigeants voire grands événements et histoire religieuse. Ces histoires ont une coloration politique importante car souvent conservatrices ou réactionnaires. Il s’agit de convaincre le peuple que l’histoire officielle ne dit pas tout (Vendée, Révolution, etc.) ou une histoire locale destinée à des locaux ou pour avancer la reprise d’une histoire conservatrice. Ce sont aussi des publications bon marché qui s’insèrent dans des approches commerciales particulières (abonnement journal, etc.). Surtout une histoire qui s’adresse à un peuple jugé incapable de lire une histoire savante. Exemple d’une histoire populaire locale de Lille. Doit être ni trop gros, ni trop savant. Le peuple comme les enfants, images, passé par son cœur. « Nous nous adressons spécialement ici à un monde de lecteurs qui n’est pas encore assez savant pour se méfier de tout et réfuter de croire un honnête écrivain sur parole. »

Histoire populaire des années 70s qui s’adresse aussi au peuple, mais surtout une histoire du peuple qui s’adresse à lui même. Jean Chesneaux, Du passé faisons table rase, publié chez Maspero. Idée de montrer qu’une histoire qui avait trahit le peuple. Une histoire militante, post-marxiste avec l’idée de produire du savoir sur le peuple en mobilisant le peuple. Idée que l’historien ne devait pas avoir le monopole sur le peuple. Par entretiens oraux, etc. lui demander de participer à écrire son histoire. Trois publications importantes. Le peuple français, revue d’histoire populaire. Esthétiques du peuple, Rancière, et groupe autour de Jean Chesneaux avec Forum Histoire. La revue Le peuple français seule animée par des militants et des acteurs qui se refusent à être assimilés par les universitaires. Une histoire qui suggère que l’on a caché des choses. Cf. éditorial du premier numéro. Grande différence avec le 19e siècle, pas le rapport à l’histoire populaire, mais idée que les auteurs font acte de science en utilisant des notes critiques mais revendiquent de le faire de manière politique. Revues qui vont disparaître au début des années 80s avec l’accession au pouvoir de la gauche. Le Peuple français disparaît mais renaît sous le titre Gavroche puis rapidement s’institutionnalisée et adopter un discours beaucoup moins offensif face à l’université. Disparaît en 2011.

Que peut-on dire de l’héritage de ces différentes revues populaires. Ces revues ont des héritiers tout destinés parmi les « historiens de garde », qui prétendent faire une histoire pour le peuple. Considère que doit donner aux auteurs ce qu’il aime, le prendre par la main. Logique proche de ce qui existait au 19e siècle de ce point de vue. En revanche, ces auteurs ne publient pas de livres titrés histoire populaire ou se revendiquant de ce contexte. Avec Zinn émerge en revanche une histoire de oubliés. Traduction en 2002 un peu étrange car ce qu’avait contribué à faire émergé bien connu aux US. Mais voit émerger éditeurs de critique sociale à gauche, Agone. Peut avoir l’impression d’une réactivation de l’histoire populaire comme dans les années 70, sauf que Zinn un universitaire. Ce que voir émerger dans les années 2000, c’est un nouvel argument commercial. Ouvrage devenu la locomotive de la maison d’édition, en publie plusieurs. Et comme l’ouvrage se publie bien en extrait la partie 20e pour succès commercial. De même La Découverte pour Chris Harmann?. Autre exemple François Cadi? un éclésiastique qui publie sur l’histoire de la chouannerie. Publication par les PUR sous le titre Histoire de la chouanerie, 1200 pages mais sans analyse critique alors que très dépassé. Autre exemple, parution d’un livre de Marceau Pivert? militant de la gauche communiste des années 80 qui publie L’église et l’école perspective prolétarienne, préfacé par Blum en 32. Réédition, devient une Histoire populaire de la laïcité.

Nous conduit enfin aux travaux de Gérad Noiriel et Michèl Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Deux commandes des éditeurs. Zancarini-Fournel, une histoire des subalternes, pour Noiriel une histoire des relations de pouvoir. Ce qui est en revanche commun aux deux ouvrages, c’est une volonté de toucher un grand public. Public que veulent toucher à travers une approche à la fois scientifique et militante. Vulgarisation de bonne qualité qui ne correspond pas exactement à ce qu’observe dans les années 70 car moins militants. Deux ouvrages qui se sont tous les deux très bien vendus. 50 000 pour le premier et 25 000 pour le second, étant entendu que plus de 1000ex considéré comme un succès pour les sciences sociales. Différence entre les deux qui s’explique largement par le réseau militant. Noiriel beaucoup participé à la présentation de ses ouvrages dans le réseau militant. Deux ouvrages qui consistent en des lectures personnelles de l’histoire de France. Deux auteurs en fin de carrière. Et finalement deux synthèses qui dressent un bilan de leur carrière en histoire sociale. On est donc face au bilan des renouvellement historiographies opérés entre 90s et 2000s.

Dimensions numériques. Exploration d’outils numériques et de corpus de base de données pour parvenir à ces résultats. Pour savoir qu’au 19e siècle il existait déjà des histoire populaire. Exploration par le biais du Google ngram viewer, même si doit être critique. Terme qui revient beaucoup au 19e siècle dans le corpus en Français de Google. Pour parvenir à avoir une vision plus précise des occurrences dans le corpus, besoin d’aller dans le code de la page pour extraire les données. Un outil cependant connu pour être assez peu fiable, outre les problèmes d’océrisation (exemple internet vs internat). Ouvrage de Noiriel, Les ouvrier dans la société française relevé par ngrams mais en fait l’expression n’y apparaît pas. Ce qui suggère que comme dans toute recherche on doit maîtriser son corpus. Des millions de mots mais mis en ligne sans base scientifique normée. Autre défaut, éditions successives apparaissent plusieurs fois.

Donc cherché à passer par les livres conservés à la Bnf avec l’avantage de l’existence du dépôt légal pour la période qui nous concerne. Interrogation du catalogue sur le titre qui fait émerger un phénomène au XIXe siècle mais aussi un épuisement progressif du terme sur toute la période contrairement au catalogue de ngrams. Sélection des ouvrages monographiques. Exportation des résultats en format CSV des contenus de la notice = 740 notices de catalogue parmi lesquelles devait encore éliminer les doublons. Nettoyage manuel avec la difficulté liée au fait qu’un même ouvrage au 19e siècle peut être publié sous des titres différents. = 284 titres comportant « histoire populaire ». Travail qui a également permis d’observer les thématiques abordées par les ouvrages et de les catégoriser. Représentation décennale regroupant les thématiques. Le local permanent sur toute la période là où les approches biographiques ont disparu. N’empêche pas d’automatiser l’approche. Représentation des thématiques dans les titres 1847 et 1897 70% du corpus. Formes les plus fréquentes dans tous les titres. Napoléon et Révolution qui émergent de même qu’illustré et anecdotiques. Mais en réalité pour réellement comprendre de quoi parlent les livres, devait aller les voir en détail. Par exemple pour identifier les ouvrages religieux.

Deuxième étape de l’analyse numérique, essayer d’aller voir ce qu’avait pu être la réception de cette historie populaire face à l’histoire science telle qu’elle naît à la fin du 19e siècle avec l’école méthodique. Classiques des sciences sociales qui permet d’observer qu’aucun de ces livres ne citent l’expression histoire populaire (Seignobos, etc.). Revue historique 1876 et son article de Monot qui ne mentionne pas cette expression.

Pour compléter le tableau, aller voir dans les revues historiques. Fabrication d’un corpus de 9 revues. Parti de la Revue historique jusqu’aux Annales, en sélectionnant des revues qui existent encore aujourd’hui pour pouvoir interroger l’ensemble de la période. Ensemble de revues phares de la disciplines. Mais difficultés principale avec ce corpus liée au fait que ces revues ont des noms différents et que les regroupements n’ont pas toujours été faits. Surtout ces revues ne sont jamais sur une plateforme dans des collections complètes. Devrait croiser Jstor, Cairn, Persée, Gallica, etc. Permis d’aboutir à une représentation d’un corpus de revues pour déterminer à quel point le corpus était lacunaire ou pas (fascicules numérisés en mode texte, et ceux manquants). Un corpus relativement complet. Travail qui a ensuite consisté à interroger chacune des revues sur la présence de l’expression pas seulement dans le titre mais aussi si on évoquait les ouvrages identifiés par titres. Travail mené à la main. 166 occurences (mention au moins une fois de l’expression dans article dans un numéro). Observe alors que la temporalité de la mention n’a rien à voir avec celle des ouvrages parus. Interruption avec la guerre, mais surtout une temporalité très décalée. Mais au-delà de cette temporalité, au fil de la période, très peu d’articles qui titre sur le sujet. Et surtout très peu de compte rendu critiques de ces ouvrages mais seulement des signalements. Les quelques compte rendus identifiés, témoignent d’une opposition entre histoire savante et histoire populaire. Peut-être de la bonne vulgarisation mais ne citant pas ses sources, etc. Progressivement entre les années 50 et 2000 voit émerger des signalements plus positifs. Par exemple signalement des parutions de Gavroche, comme cela qu’identifie mouvement des années 70 car ne passe pas par la publication d’ouvrages.

Étude de cas des deux ouvrages sur l’histoire populaire de la France. Lire les livres, mais pour pouvoir disposer d’une approche la plus précise possible aussi besoin de les mettre à distance. Analyse de statistique textuelle sur les deux ouvrages avec la chance que ces livres existants en epub, possible d’accéder au contenu XML de l’ouvrage. Utilisation d’Iramutec (Pierre Ratineau) et méthode Alceste. Une méthode d’analyse factorielle des correspondances multiples, etc. Permis d’observer les formes les plus utilisées dans les deux corpus. Ce faisant d’observer que ce que disait dans les recensions Noiriel plus du haut, l’autre du peuple par le peuple, se retrouvait dans l’emploi des termes. Classes populaires, les étrangers, versus les polonais, les ouvriers sidérurgistes, etc. Oppositions qui correspondent aux orientations historiographies des deux auteurs Michèle Z pionnière de l’histoire féminine, retrouve le mot femme. Noiriel fondateur histoire de l’immigration et politique de l’identité et de la nationalité. Aussi les termes que retrouve le plus dans son ouvrage. Peut donc objectiver par l’analyse textuelle ces partis-pris.

Classification hiérarchique descendante sur les deux ouvrages. Consiste à segmenter le texte et les comparer avec une analyse factorielle associée à des khi2 pour faire apparaitre les segments qui apparaissent le plus conjointement. Permet de faire apparaitre des classes (mondes lexicaux) qui sont les thématiques qui ressortent du vocabulaire employé par les auteurs. Permet de voir les mots les plus associés à une classe ou les moins associés à une classe. Permet d’observer des classes de vocabulaires. Reste à l’historien d’aller voir ces mots (profils) pour identifier s’il y a une cohérence et les anti-profils. Avec test khi2 permet de voir quelle association entre le mot et la classe. Permet de faire émerger tout en bas des thématiques, charge à l’historien de déterminer ce dont cela parle. Il y a deux vocabulaires très différents par auteurs. 4 classes à laquelle très associée Michèle Z et 5 autres à Noiriel et ne retrouve pas les deux auteurs dans des classes. Pas étonnant car écriture différentes, mais distingue les deux ouvrages. En fait d’un côté histoire populaire, histoire des femmes.

Réception de l’histoire populaire de la France dans les corpus de presse. Renoncé à faire une analyse car pas possible de le faire sur toute la durée. Mais sur la 10aine années précédent la parution de Michèle Z et ouvrage de Noiriel, voir à quoi étaient associés ces deux auteurs dans la presse quotidienne nationale en France. En associant, Gilets Jaunes et Zemmour. Car succès du livre de Noiriel lié à l’irruption du mouvement social. Perçu par le succès du livre comme spécialiste du mouvement populaire, d’autant plus intéressant car pas exactement le contenu de son travail. Zemmour car livre écrit pour répondre aux historiens de garde.

Face au big data et aux flux numériques pourrait perdre de vue la méthode historique. Pour mesurer précisément les phénomènes important de pouvoir contrôler les corpus. Parfois quand observe le développement des DH, peut avoir le sentiment que des projets qui nécessitent de grandes infrastructures. En réalité la manière dont travaille aujourd’hui à l’ère du numérique. Si n’avait pas fait ce travail, mon article aurait été un compte rendu croisé mais qui m’aurait fait perdre de vue ce mouvement d’une histoire populaire au XIXe siècle et qui ouvre de nombreuses questions historiographiques.

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